La nage en eau libre, c'est du plein air aussi
- Marie-Claire Fortin
- 28 août
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 août
Le lac Wapizagonke, dans le parc national de la Mauricie, s’étend sur 15 km. Chacun de ses tronçons est unique: ici, de magnifiques falaises, là, des plages sablonneuses où pagayeurs et kayakistes s’arrêtent un instant.
La première fois que j’ai vu le Wapizagonke*, en juillet 2024, j’ai tout de suite eu envie d’y nager. Je savais qu’une seule journée ne suffirait pas. Il me faudrait plusieurs jours pour m’immerger dans ses eaux sombres, admirer ses paysages, me laisser surprendre par le chant des plongeons huards et simplement étirer le plaisir.
*pas besoin de dire lac. On peut dire le Wapizagonke et même le Wapi.

Lac Wapizagonke, parc national de la Mauricie
Crédit: Nage en eau libre Québec
L’automne dernier, j’ai trouvé l’équipement, puis au printemps, j’ai recruté des compagnes d’aventure. Nous avons commencé à planifier cette nage de randonnée que nous appelions, pour rire, notre «aqua-camping». En anglais, on parle de cross-country swimming. En français, j’ai choisi de dire «nage de randonnée», tant l’expérience m’a semblé ressembler à une excursion… mais dans l’eau.
Ainsi, en août 2025, Renée Verlaan et moi avons nagé 9,5 km sur le Wapizagonke, en tirant notre bagage d’un campement à l’autre. Comme en canot-camping, mais cette fois, à la nage.
Je ne considère ni la distance parcourue, ni le fait d'avoir transporté notre campement comme des exploits. Ce n’était pas le but. L’idée était de vivre une expérience de plein air comme on aurait fait une randonnée pédestre en forêt ou une descente de rivière en canot.

Nageuses: Renée Verlaan et Marie-Claire Fortin
Pagayeuses: Julie Fortin et Louise Séguin
Guide et accompagnatrice: Francine Parent
Crédit: Nage en eau libre Québec
L’idée de considérer la nage en eau libre comme une activité de plein air peut sembler évidente, mais elle ne l’est pas lorsqu’on regarde l’offre du Réseau plein air Québec. Celui-ci regroupe 11 fédérations de sports de plein air et présente, sur la plateforme On y va! , toutes les activités à pratiquer, classées par catégories, régions, saisons et même niveaux de difficulté.
Extrait de la plateforme On y va!:
Les 11 fédérations du Réseau plein air Québec ont pour mission de favoriser l’accessibilité, la promotion et la qualité de l’expérience liées à leurs activités afin que tout un chacun puisse profiter des nombreux bienfaits de celles-ci.
Pour faire bouger la population et favoriser son contact avec la nature, le monde associatif contribue à la mise en place de mesures structurantes assurant la pratique de sports et de loisirs de plein air de qualité, éthiques et sécuritaires.
Le Réseau plein air Québec encadre et promeut entre autres la pratique de l’équitation, de la spéléologie, du kayak, de la voile, de la plongée sous-marine, du ski de fond, de l’escalade… mais pas celle de la nage en eau libre.

Crédit: Nage en eau libre Québec
Partant de cette réalité, nous avions peu d’exemples d’expéditions de nage avec plusieurs couchers en autonomie. Notre choix d’équipement s’est donc arrêté sur le RuckRaft® conçu par l’entreprise anglaise Above Below. Composé d’une bouée et d’un sac étanche d’une capacité de 120 litres, il est spécialement pensé pour transporter du matériel à la nage. Au Royaume-Uni, on peut trouver plusieurs offres d'excursions mêlant nage et randonnée.
La bouée, qui peut supporter un poids de 33 livres, nous a permis d’apporter tout notre matériel de campement: chacune des nageuses avait une tente deux places, un sac de couchage, un matelas de sol, des vêtements de rechange et ses effets personnels.
La nourriture et l’eau potable allaient être transportées en canot et les pagayeuses pouvaient aussi assurer la sécurité au besoin. Nous n'avons pas regretté de ne pas limiter la nourriture. Avec l’effort physique, pouvoir manger à notre faim a été précieux. Malgré nos collations pendant les périodes de nage, c’est affamées que nous sommes arrivées au campement le premier soir. On le sait: le plein air ouvre l’appétit… alors imaginez la nage en plein air!
Crédit: Nage en eau libre Québec
Notre groupe était donc formé de deux nageuses, de deux pagayeuses et d’une accompagnatrice qui connaissait bien le territoire que nous voulions explorer.
Nous avons joué le jeu et utilisé la boîte à outils du Réseau plein air Québec pour planifier notre randonnée. Nous avons ainsi créé un plan de sortie et un plan de mesures d’urgence en nous appuyant sur leur gabarit.
Nous sommes parties à la nage depuis l’entrée nord du lac. Le plan était de descendre vers le sud en campant deux nuits le long du parcours, ce qui représentait entre 3 et 3,5 km par jour. Le premier jour, nous avons parcouru cette distance sans arrêt, en moins de deux heures de nage. Nous n’étions vraiment pas pressées d'arriver car très heureuses de tester le RuckRaft®.
Cette bouée et son sac étanche se sont révélés étonnamment solides. J’ai particulièrement apprécié la robustesse des sangles mises à l'épreuve pour attacher le sac, rempli à pleine capacité. La légende dira qu’en plus du bac à vaisselle fixé sur le dessus des bagages, une poêle en fonte fut aussi été transportée!
Youtube : @NageeneaulibreQuebec
Nous avons eu la chance d’avoir peu de vagues et de vent. Dans ces conditions, le RuckRaft® offrait très peu de résistance à la nage. On le sentait en nageant, mais ce n’était pas lourd à traîner.
Les deux jours suivants, nous avons coupé le trajet par une pause pour prendre le dîner. Il faisait chaud sur le lac pour les pagayeuses, mais il a été étonnant de constater que, dès que nous sortions de l’eau, le vent était froid pour nous qui étions toutes mouillées. Le fait d’avoir des vêtements secs rapidement accessibles est alors devenu une partie essentielle de nos stratégies pour nous assurer de passer un moment agréable.
Se préparer à nager plusieurs heures par jour, en contexte de randonnée, c’est aussi prévoir de nombreux détails, comme on le ferait pour une marche de plusieurs jours en forêt. Donc en plus de transporter suffisamment d’eau potable, de nourriture et de collations pour soutenir l’effort, nous avions aussi les cordages pour attacher la nourriture en hauteur la nuit, une trousse de premiers soins, des casques et des lunettes de nage de rechange, des maillots supplémentaires, des vêtements chauds et une bonne réserve de crème solaire.
Un des nombreux avantage d’avoir eu un équipage entièrement féminin? La possibilité de tester une panoplie de crèmes solaires différentes!

Crédit: Nage en eau libre Québec
Nous avons réalisé une belle randonnée de nage, en pleine communion avec la nature et nous avons rempli nos têtes et nos cœurs de souvenirs heureux. Nous avons croisé plusieurs huards qui surgissaient juste devant nous pour replonger aussi silencieusement qu’ils étaient apparus. Nous avons exploré de petites avancées de plages sablonneuses qui se transformaient rapidement en pentes abruptes plongeant vers la noirceur du fond. L’eau du Wapi était bonne et claire, et il était facile d’y nager en admirant les rayons du soleil y dessiner des faisceaux de lumière.
La nage en eau libre, c’est un plongeon tête première dans le plein air. C’est s’immerger en pleine nature, s’y déplacer, s’y amuser, s’y surpasser.
Un jour, j’espère, la nage en eau libre sera enfin reconnue comme une véritable activité de plein air. On pourra alors retrouver sur On y va! du Réseau plein air Québec les corridors de nage et les randonnées de nage parmi les choix d’activités. Toute l’offre de nage en eau libre du Québec sera accessible d’un clic, pour le plus grand bonheur de celles et ceux qui découvrent chaque jour ses bienfaits.
Marie-Claire Fortin
Fondatrice du site Nage en eau libre Québec, nageuse récréative et passionnée, elle souhaite aider les nageurs à trouver des sites où pratiquer la nage en eau libre en toute sécurité et que les propriétaires qui peuvent permettre des accès soient sensibilisés et embarquent dans le mouvement.